Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

 Le duc d’Alençon fut après tout bien modéré en faisant de la Pucelle un artilleur distingué. Dès l’année 1429 un humaniste du parti de Charles VII disait dans la langue de Cicéron qu’elle égalait et surpassait, pour la gloire des armes, Hector, Alexandre, Hannibal et César. « Non Hectore reminiscat et gaudeat Troja, exultet Graecia Alexandro, Annibale Arrica, Italia Caesare et Romanis ducibus omnibus glorietur, G allia etsi ex pristinis multos habeat, hac tamen una Puella contenta, audebit se gloriari et laude bellica caeteris nationibus se comparare, verum quoque, si expediet, se anteponere[1]. »

 Jeanne, toujours en prières et en extase, n’observait pas l’ennemi, elle ne connaissait pas les chemins, elle ne tenait aucun compte des effectifs engagés, ne se souciait ni de la hauteur des murs ni de la largeur des fossés. On entend aujourd’hui des officiers discuter le génie tactique de la Pucelle[2]. Elle n’avait qu’une tactique, c’était d’empêcher les hommes de blasphémer le Seigneur et de mener avec eux des ribaudes ; elle croyait qu’ils seraient détruits pour leurs péchés mais que, s’ils combattaient en état de grâce, ils auraient

  1. Lettre d’Alain Chartier dans Procès, t. V, pp. 135 ; 136. — Capitaine P. Marin, Jeanne d’Arc tacticien et stratégiste, Paris, 1§89, 4 vol. in-12. — Le général Canonge, Jeanne d’Arc guerrière, Paris, 1907, in-8°.
  2. Rossel et la légende de Jeanne d’Arc, dans la Petite République du 15 juillet 1896. — Jeanne d’Arc soldat, par Art Roë, dans le Temps du 8 mai 1907. Voyez aussi les ouvrages du capitaine Marin, si recommandables d’ailleurs par le soin et la bonne foi.