Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/53

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la victoire. C’était là toute sa science militaire, hors toutefois qu’elle ne craignait pas le danger. Elle montrait le plus doux et le plus fier courage ; elle était plus vaillante, plus constante, plus généreuse que les hommes et digne en cela de les conduire. Et n’est-ce pas une chose admirable et rare que de voir tant d’héroïsme uni à tant d’innocence ?

 À vrai dire, certains chefs et notamment les princes du sang royal n’en savaient pas beaucoup plus qu’elle. Pour faire la guerre, en ce temps-là, il suffisait de monter à cheval. Il n’existait point de cartes. On n’avait nulle idée de marches sur plusieurs lignes, d’opérations d’ensemble, d’une campagne méthodiquement combinée, d’un effort prolongé en vue de grands résultats. L’art militaire se réduisait à quelques ruses de paysans et à certaines règles de chevalerie. Les routiers, partisans et capitaines d’aventure, savaient tous les tours du métier ; mais ils ne connaissaient ni amis ni ennemis et n’avaient de cœur qu’à piller. Les nobles montraient grand vouloir d’acquérir honneur et louange; en fait, ils songeaient au gain. Alain Chartier disait d eux:« Ils crient aux armes, mais ils courent à l’argent[1]. »

  La guerre devant durer autant que la vie, on la menait doucement. Les gens d’armes, cavaliers et piétons,

  1. Alain Chartier, Œuvres, éd. André du Chesne, p. 412.