Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/59

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pourtant les juges du procès n’étaient pas tous des prévaricateurs infâmes ; le chapitre de Rouen ne manquait ni de courage ni d’indépendance[1] ; il y avait parmi les universitaires, si violents contre Jeanne, des hommes estimés pour la doctrine et le caractère ; ils pensaient, la plupart, procéder vraiment en matière de foi ; à force de rechercher les sorcières, ils en voyaient partout ; ils faisaient brûler de ces femelles, comme ils disaient, tous les jours, et n’en recevaient que des compliments ; autant que Jeanne, ils croyaient à la possibilité des apparitions dont elle se disait favorisée, seulement ils étaient persuadés ou qu’elle mentait ou qu’elle voyait des diables ; l’évêque, le vice-inquisiteur et les assesseurs, au nombre de plus de quarante, furent unanimes à la déclarer hérétique et diabolique. Plusieurs sans doute s’imaginaient, par leur sentence, maintenir, contre les fauteurs du schisme et de l’hérésie, l’orthodoxie catholique et l’unité d’obédience ; ils voulaient bien juger. Et même les plus scélérats et les plus audacieux, l’évêque et le promoteur, n’auraient pas osé, pour contenter les Anglais, enfreindre trop ouvertement les règles de la justice ecclésiastique. C’étaient des prêtres ; ils en avaient

  1. Même à considérer seulement ceux des chanoines qui siégèrent au procès. Cf. Ch. de Beaurepaire, Recherches sur le procès de condamnation de Jeanne d’Arc, Rouen, 1869, in-8°.