Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/60

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l’orgueil et le respect des formes. Par les formes on pouvait les atteindre ; on pouvait, au moyen d’une vigoureuse procédure, contrarier, arrêter, peut-être, la leur et prévenir la sentence funeste. Si l’archevêque de Reims, métropolitain de l’évêque de Beauvais, était intervenu dans le procès, s’il avait suspendu son suffragant pour abus ou pour toute autre cause, Pierre Cauchon aurait été fort embarrassé ; si, comme il se décida à le faire plus tard, le roi Charles VII avait fait intervenir la mère et les frères de la Pucelle ; si Jacques d’Arc et la Romée avaient protesté dans les formes contre une action judiciaire d’une partialité manifeste ; si le registre de Poitiers[1] avait été versé au dossier ; si les plus hauts prélats de l’obéissance de Charles VII avaient demandé un sauf-conduit pour venir témoigner à Rouen, en faveur de Jeanne ; si enfin le roi, son conseil et toute l’Église de France avaient réclamé l’appel au pape et au Concile, qui était de droit, le procès pouvait prendre une autre issue.

  Mais on eut peur de l’Université de Paris. On craignit que vraiment Jeanne, comme tant de savants docteurs le soutenaient, ne fût hérétique, mal croyante, séduite par le prince des ténèbres. Satan se transforme en

  1. Ou du moins les conclusions des docteurs qui nous sont parvenues. Quant au registre, il ne devait pas contenir grand’chose. On voit, par les témoignages du procès de réhabilitation, que les clercs de Poitiers ne tenaient pas beaucoup à ce qu’on parlât de leur enquête.