Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/82

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de misère et de mort, mais en Flandre, en Bourgogne, en Provence, œuvres d’un style à la fois affecté et naïf, souvent exquis. Les miniatures se sont animées sous mes yeux et j’y ai vu revivre les seigneurs, dans la magnificence absurde des « étoffes à tripes », les dames et les demoiselles un peu diablesses avec leurs bonnets cornus et leurs pieds pointus ; les clercs assis à leur pupitre, les gens d’armes chevauchant leur coursier et les marchands leur mule, les laboureurs accomplissant d’avril à mars les travaux du calendrier rustique, les paysannes dont la grande coiffe est conservée aujourd’hui par les religieuses. Je me suis rapproché de ces gens qui furent nos semblables et qui pourtant différaient de nous par mille nuances du sentiment et de la pensée ; j’ai vécu de leur vie ; j’ai lu dans leurs âmes.

  On ne trouve nulle part, ai-je besoin de le dire, une image authentique de Jeanne. Ce qui, dans l’art du XVe siècle, avait trait à elle, se réduisait à peu de chose : il ne nous en reste presque rien, une petite tapisserie à bestions, une figurine tracée à la plume sur un registre, quelques enluminures peintes dans des manuscrits sous les règnes de Charles VII, de Louis XI, de Charles VIII, et c’est tout. Il m’a fallu contribuer à l’iconographie si pauvre de Jeanne d’Arc, non que j’eusse quelque chose à y ajouter, mais au contraire pour en retrancher ce que les faussaires y