Page:Anatole France - Werther et Tom Jones, traduits par M. le comte de La Bédoyère, paru dans Le Chasseur bibliographe, février 1863.djvu/7

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croire sur parole quand nous leur affirmons que, malgré ses quatre grands volumes, Tom Jones ne paraît long qu’à ceux qui ne l’ont pas lu !

Nous devons savoir gré à M. de la Bédoyère d’en avoir donné une traduction vraiment française, et où il se montre également fidèle aux deux langues, également éloigné de sacrifier l’une à l’autre par une servilité ou une liberté exagérées. Tom Jones, entre les mains de M. de la Bédoyère, se plie de si bonne grâce à toutes les exigences, à tous les caprices de la langue française, il est si purement français, qu’on est d’abord tenté de croire qu’il ne se souvient pas assez de sa langue maternelle, ou qu’il déguise avec trop de soin son origine étrangère. Mais on est bientôt détrompé : toutes les scènes, tous les personnages, ont conservé leur air primitif ; aucun n’a renoncé à sa première patrie. Les soldats et les aubergistes que nous rencontrerons sur notre route ne ressemblent point aux soldats et aux aubergistes que nous voyons en France ; ce qui ne veut point dire que ceux-ci ne soient pas tant soit peu voleurs et ceux-là passablement querelleurs : les traits caractéristiques des races sont invariables, mais les nuances qui distinguent les individus varient à l’infini. Le traducteur les a scrupuleusement respectées, et le lecteur les découvrira facilement sans que nous lui fassions l’injure de les lui indiquer.

M. de la Bédoyère avait du reste fait une étude toute particulière de Fielding, et il a laissé en manuscrit la traduction de son autre ouvrage, Joseph Andrews, qui n’a été traduit, sauf erreur, que par l’abbé Desfontaines. Cette nouvelle traduction, digne en tous points de l’habile traducteur de Tom Jones, ne sera pas, nous l’espérons, perdue pour les lettres.

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