Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/118

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A côté, persiste encore, en Prusse, un groupe de 200 000 Lithuaniens, représentants des anciennes populations de la Prusse orientale, dont le nom vient d’un peuple de même race (Prussiens, Borussiens) qui conserva sa langue jusqu’au dix-septième siècle. Le deuxième groupe vivant de cette famille, les Lettons, tribu peut-être croisée de Finnois, monte à plus d’un million d’âmes. Ils forment la majorité des habitants de la Courlande et de la moitié méridionale de la Livonie. Convertis, assujettis et mis en servage par les chevaliers Porte-Glaive, ils ont passé au luthéranisme avec leurs seigneurs allemands. Comme les tribus finnoises, en dehors de la Finlande, Lettons et Lithuaniens, dans leur petit nombre et leur morcellement, sont, par eux-mêmes, incapables de former une nation, un État.


C’est du cours supérieur du Dniepr et de la Duna, près du point de partage des eaux entre la mer Noire, la Baltique et la Caspienne, que sont partis les Slaves qui devaient former le ciment de la grande nation destinée à régner dans l’intervalle des trois mers. S’avançant le long des fleuves, de l’ouest à l’est, en rayonnant vers le nord et le sud, ils pénétrèrent dans les profondeurs des forêts, chassant devant eux les tribus finnoises, ou les coupant en massifs isolés pour les absorber peu à peu. Du mélange des deux races par l’assimilation de la plus rude à la plus cultivée, sous la double action d’une commune religion et d’un milieu commun qui tendaient à les ramener toutes deux à l’unité, s’est formé un peuple nouveau, une nation homogène. En effet, à l’encontre de certains préjugés, il n’y a pas seulement en Russie des races plus ou moins fondues, il y a une nation, ce qu’on a, de nos jours, appelé une nationalité, aussi unie, aussi compacte, aussi consciente d’elle-même qu’aucune nation du monde. Avec toutes ses races diverses, tous ses allogènes (inorodlsy), la Russie n’est rien moins qu’une masse incohérente, une