Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/316

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telle que nous la connaissons en Europe ; à ce titre, ils forment un anneau intermédiaire entre l’ancien serf et l’ancien seigneur, et peut-être un jour contribueront-ils à doter la Russie d’une des choses qui lui manquent le plus, d’une classe moyenne rurale.

La plupart des classes entre lesquelles était divisée la population russe étaient si particulières à la Russie, si propres à son état social, qu’il était difficile d’y faire entrer des populations d’origine étrangère sans augmenter pour elles le nombre des subdivisions spéciales. Aussi d’ordinaire, pour ne point faire violence aux mœurs, ou ne point enfreindre les droits reconnus aux pays conquis, le gouvernement russe était-il, à chaque annexion en Europe ou en Asie, contraint de créer pour ses nouveaux sujets de nouveaux cadres, de nouvelles rubriques. Chaque région, chaque race, chaque culte même, en passant dans l’empire, y donnait lieu à des divisions particulières, à des catégories sociales, ayant chacune ses droits et obligations. La diversité des nationalités qui habitent la Russie est une des choses qui, en Europe même, retardent la fusion et l’unification légale de toutes les populations comprises sur le sol russe. Les tribus nomades, comme en Europe les Samoïèdes ou les Kalmouks, restent naturellement en dehors des quatre classes normales. Les Tatars, les Bachkirs et toute la population mahométane gardent encore dans les villes ou les campagnes une position spéciale. Il en est de même à certains égards des cultivateurs libres de la Bessarabie, des bourgeois de l’ancienne Pologne ou des provinces baltiques, des colons allemands ou grecs de l’intérieur, de même enfin des Juifs des provinces occidentales. S’ils ne constituent plus, comme dans la République de Pologne, un cinquième ordre de l’État et une véritable caste, les Israélites, même après les dernières réformes, demeurent encore, quant au domicile, quant à la propriété et aux fonctions électives, soumis à certaines restrictions qui continuent d’en faire une catégorie particulière, au milieu