Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/42

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gétation, les herbes atteignent une hauteur de 5 à 6 pieds, parfois plus dans les années de pluie. À les voir en été, on comprend les légendes de l’Ukraine, racontant que, dans leurs aventureuses expéditions, les Cosaques à cheval se cachaient dans le fourré du steppe. Cette puissance de la végétation herbacée peut être regardée comme une des causes de l’absence de bois ; les hautes herbes, dans leur rapide croissance, étoufferaient les jeunes arbres. À vrai dire, les herbes proprement dites, les graminées sont loin de former, à elles seules, toute la flore steppienne. Ce ne sont point elles qui lui donnent celle vigueur d’aspect, ce sont des plantes plus hautes qui les recouvrent : ombellifères, dipsacées, légumineuses, labiées, composées, dont au printemps les tiges fleuries émaillent le steppe de mille couleurs. Comme dans les bois du Nord, dans ces frêles forêts les espèces sont peu variées ; ce sont des plantes sociales dont chacune couvre de grands espaces, et, pour la plupart, des plantes annuelles, les autres ayant peine à supporter un climat qui unit les hivers de la Baltique aux étés de la Méditerranée. En dépit des idées reçues, le steppe n’est point absolument dépourvu de plantes ligneuses : il s’y rencontre quelques arbustes, quelques arbres même, mais petits et rabougris, entre autres le poirier sauvage, dont les ballades cosaques ont fait le symbole de l’amour méconnu.

Dans le court printemps de ces régions, la végétation des steppes, comme celle du Nord de la Russie, se développe avec une prodigieuse rapidité. Elle prend dans les pluies printanières de quoi résister aux chaleurs intenses de l’été ; mais, si les pluies ne viennent à temps, elle succombe à la sécheresse. En certaines contrées, ou dans certaines années, toute cette brillante végétation ne dure que quelques semaines ; tout est flétri en juillet. Un soleil sans ombre a tout brûlé, et les hautes plantes, qui en faisaient un océan de verdure, hérissent la plaine de leurs tiges dénudées : les steppes sont devenus des pampas dessé-