Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/590

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coup de moujiks sont en même temps usufruitiers d’un lot de terre communale, et uniques propriétaires d’un champ acheté de leurs deniers. Les deux modes de propriété se réunissent dans le même homme.

Tout le sol russe est loin, en effet, d’appartenir aux communautés de village. À côté des biens communaux, il y a les terres de l’État, il y a les biens individuels des anciens seigneurs, il y a des domaines souvent très vastes et parfois démesurés, souvent mal cultivés, parfois même encore incultes, que leurs détenteurs ne demandent qu’à aliéner ou à diminuer[1].

Il serait d’un haut intérêt de posséder un tableau exact et détaillé de la répartition des terres entre les diverses classes de la société, et plus encore, entre la propriété collective et la propriété individuelle. Or, sur ce dernier point, nous en sommes réduits à des évaluations jusqu’à présent incomplètes[2]. Les évaluations générales, embrassant toute

    115 000 ont été achetées par des communes, 105 000 par des artèles ou associations, 248 000 par des paysans isolés, qui, étant au nombre de 13 600, ont acquis en moyenne une vingtaine d’hectares chacun. Dans la province de Saratof, sur 308 000 desiatines, 187 000 ont été achetées par des individus et 121 000 par des communes. Il est à remarquer qu’alors même que ces achats sont faits par commune ou par artèle, les terres ainsi acquises sont rarement maintenues dans l’indivision. La nouvelle propriété est d’habitude divisée par ménages, proportionnellement aux sommes versées par chacun. (Materialy, etc., 1880).

  1. Il y a encore en Russie de nombreux domaines de 10 000, de 30 000, de 40 000 desiatines et plus ; la desiatine, nous l’avons dit, vaut 1 hectare 9 ares. On compte d’ordinaire, comme petits propriétaires, tous ceux qui possèdent moins de 100 desiatines, comme moyens propriétaires ceux qui possèdent de 100 à 1000 desiatines, comme grands propriétaires enfin ceux qui possèdent plus de 1000 desiatines. Or, d’après les renseignements les plus récents, ces derniers, dans la zone agricole la plus fertile, détiennent encore plus de la moitié du territoire de la propriété personnelle (53 pour 100). Dans les huit gouvernements de la région agricole centrale, là même où la terre a le plus de valeur, on comptait : 1800 propriétaires, ayant de 1000 à 5000 desiatines ; 141 propriétaires, ayant de 5000 à 10 000 desiatines ; 82 enfin possédant chacun plus de 10 000 desiatines. (Statistique de la propriété foncière, 1er fascicule, 1880.) Le nombre des grandes propriétés est, croyons-nous, beaucoup plus considérable dans la plupart des autres régions.
  2. Le comité central de statistique a entrepris, à cet égard, des recherches dont les premiers résultats ont été publics en 1880 (Statistika posemelnoï