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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/143

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corollaire et comme le couronnement de la capitation, et de même que cette dernière, de même que la solidarité de l’impôt personnel, c’était un reste de l’époque du servage, une dernière précaution du fisc qui, après avoir longtemps enchaîné le taillable à la glèbe, s’attachait à ses trousses depuis son émancipation. Aussi, loin d’affranchir toute la population de ce joug incommode, a-t-on jusqu’ici maintenu l’obligation du passeport pour les paysans et même pour la petite bourgeoisie (mêchlchané), c’est-à-dire pour les classes populaires qui en souffrent le plus. C’est là, du reste, une des réformes dont l’agitation révolutionnaire a pour longtemps peut-être ajourné la date.

Les poursuites du gouvernement contre les nihilistes ont montré de quel peu de secours étaient toutes ces précautions de la police. Lorsque à la fin de son règne Alexandre II recourut aux mesures de rigueur, et que la plus grande partie de l’empire fut placée sous une sorte d’état de siège, on s’aperçut que les règlements sur les passeports restaient souvent inappliqués. On découvrit que dans les grandes villes il y avait toujours, grâce à l’incurie ou à la connivence de la police, une nombreuse population de vagabonds sans papiers d’aucune sorte. Le gouvernement eut à cet égard les plus affligeantes surprises. En 1879, la police de Tiflis ayant reçu l’ordre d’arrêter, pour les expulser, tous les gens sans passeport en résidence dans la ville, il y eut un sauve-qui-peut parmi les ouvriers, les petits marchands, les cochers, les domestiques, si bien que, faute de bras et de serviteurs, la population aisée se trouva subitement dans le plus grand embarras. Au lieu d’obéir aux requêtes de la police, les intéressés s’étaient enfuis par milliers, pour n’être point

    leur commune pour gagner ailleurs de quoi acquitter leur part d’impôt ; leur refuser un passeport parce qu’ils sont en retard pour le payement des taxes, c’est parfois, en les retenant dans une localité où leurs gains sont insuffisants, les mettre hors d’état d’acquitter ces taxes. Voyez t. I, livre VI, chap. iv et v.