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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/153

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sous le nom de gouvernements généraux, en 5 ou 6 satrapies militaires, s’était décidé, pour donner plus d’unité à la défense sociale, à confier au général Loris Mélikof, sous le titre modeste de chef de la commission executive, une véritable dictature. Cette nouvelle dictature administrative ne pouvait tolérer à côté d’elle un pouvoir discrétionnaire et omnipotent, rival du sien. Il fallait qu’une des deux autorités absorbât l’autre ; Alexandre II le comprit. Au lieu de donner un successeur au dernier chef des gendarmes, il soumit temporairement d’abord, puis bientôt définitivement, la police d’État au général Loris Mélikof, nommé vers le même moment ministre de l’Intérieur. Les titulaires de ce ministère ou leurs adjoints sont ainsi devenus chefs des gendarmes, ils cumulent les deux fonctions, ils pourront, selon leur caractère ou selon l’esprit du moment, faire prévaloir l’une ou l’autre. La haute police forme au ministère de l’Intérieur un nouveau « département[1] », celui de la police d’État.

Comme on le voit, sous l’oukaze d’août 1880, tant applaudi de l’opinion, se cachait une fusion des pouvoirs, dont la séparation faisait manifestement la faiblesse. Aujourd’hui le ministère de l’Intérieur tient dans ses mains les rênes des deux polices, qui, jadis conduites isolément, tiraient chacune de leur côté. On espérait donner ainsi au service de sûreté de l’État une unité de direction, une facilité d’exécution qui, tout en en simplifiant le mécanisme, en devait doubler la puissance réelle.

Cette fusion avait été rendue manifestement indispensable par les cruelles déceptions des deux polices dans leur commune campagne contre le nihilisme. L’événe-

  1. Ce « département » s’est d’abord appelé « police d’État », puis ensuite « police » simplement. La nouvelle organisation a été plusieurs fois remaniée sous le ministère du comte Tolstoï, notamment par les oukazes du 25 juin 1882 et du 18 février 1883. — La gestion de la police d’État, placée sous la haute direction du ministre de l’Intérieur, a été spécialement confiée à un adjoint (tovarichtch) du ministre, chargé en même temps du commandement du corps des gendarmes. Oukaze du 9 avril 1887.