Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/156

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autorités gouvernementales et des autres ressorts de l’État. Distraite de la chancellerie impériale, elle n’est plus la chose privée, le domaine propre et réservé du souverain ; relevant d’un ministre, au lieu de relever directement du maître, elle tombe au rang des autres administrations et ne peut plus guère agir que par leur intermédiaire. Sous le nom de troisième section, la police politique était le grand ressort de l’État ; aujourd’hui elle n’est plus que l’un de ses rouages. À cet égard, il serait injuste de refuser toute importance à la transformation accomplie presque à la sourdine par Tempereur Alexandre II, dans la dernière année de son règne.

En quittant la chancellerie impériale, la police d’État est restée maîtresse d’emprisonner, d’interner, de déporter qui bon lui semble. Jamais peut-être n’a-t-elle fait autant usage de ses droits que depuis qu’elle a changé de nom ; la grande différence est que ses ordres portent un autre en-téte et un autre cachet. Sous Alexandre III, comme sous Alexandre II ; la haute police demeure souveraine, indépendante de la justice et des tribunaux, n’ayant de compte à rendre qu’à son chef ou à l’empereur. L’abolition de ces prérogatives de l’administration serait une véritable révolution ; cela équivaudrait à une sorte d’abdication de l’autocratie devant les tribunaux réguliers. Aussi longtemps que durera le régime autocratique, l’administration restera maîtresse de passer par-dessus les lois. C’est là une faculté dont le tsar peut ne pas se servir, mais dont l’autocratie, tant qu’elle subsistera dans son intégrité, ne saurait se dépouiller sans se condamner à de perpétuels démentis. La Bastille russe n’est pas encore rasée, et quand les portes en sembleraient fermées, elles ne cesseront définitivement de s’ouvrir que lorsque les mains qui en gardent les clefs ne seront plus omnipotentes.

Loin d’enlever à l’administration les attributions dictatoriales dont elle était investie sous ses prédécesseurs, Alexandre III s’est appliqué à classer et à codifier les