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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/158

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contre la sécurité de l’État, mais encore si « la négligence dont il se rend coupable dans l’administration de ses biens peut avoir des conséquences dangereuses pour l’ordre public ». C’est là un privilège dont, jusqu’en 1881, l’administration n’avait encore jamais été régulièrement investie. La propriété, on le voit, n’est pas plus épargnée que la liberté individuelle : sous Alexandre III, non moins que sous Alexandre II, l’une et l’autre restent à la merci de l’administration et de la police.

L’abolition de la troisième section n’a guère changé les procédés et les droits des agents du pouvoir. Les armes dont elle disposait, et qui s’étaient si souvent brisées dans ses mains, le gouvernement d’Alexandre III ne les a pas laissées rouiller ; il s’est appliqué à les mettre en état, il les a fourbies et en a repassé le fil, pour de nouvelles luttes contre ses invisibles ennemis. De toutes les armes de guerre rangées dans cet arsenal de lois répressives, il n’y en a qu’une qu’Alexandre III ait enlevée à ses agents, ou mieux dont il ait limité l’usage ; il est vrai que c’est la plus barbare comme la plus meurtrière, celle dont on avait peut-être le plus cruellement abusé, la déportation. Sur ce point, l’oukaze relatif à l’état de protection extraordinaire constitue une amélioration sur les anciens procédés de la défunte troisième section. Le bannissement des suspects, par mesure administrative, n’aura plus lieu qu’après approbation d’une commission spéciale, et ne pourra excéder la durée de cinq ans. Le tribunal chargé de slatuer sur le sort des individus dont l’administration ou la police réclamerait l’éloignement est composé de deux délégués du ministère de l’Intérieur et de deux délégués du ministère de la Justice. Au lieu de condamner sans entendre, conformément aux traditions de la haute police, cette sorte de commission mixte, à demi administrative, à demi judiciaire, peut faire venir l’accusé et l’inviter à présenter lui-même sa défense, toutes les fois du moins qu’elle juge insuffisante l’enquête dirigée par les autorités administratives.