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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/169

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officiers bleus se faisaient, d’habitude, pardonner leur rôle en détournant leurs yeux des menues peccadilles des fonctionnaires soumis à leur surveillance. Pour ces gardiens de la morale et de la sécurité publiques, c’était une besogne ingrate et sans gloire que de rechercher les taches de l’administration et de laver les souillures bureaucratiques. À en croire un ancien fonctionnaire de la troisième section, M. Sgotof, qui s’en est fait le panégyriste, elle aurait souvent défendu les particuliers contre l’arbitraire ou la cupidité des hommes en place, elle aurait plus d’une fois obtenu la révocation de gouverneurs infidèles. Cela peut être vrai ; mais de pareils traits ont toujours été peu nombreux. La troisième section réservait d’ordinaire sa vigilance pour des offenses moins innocentes, pour des crimes, dont la découverte faisait plus d’honneur à sa perspicacité : elle gardait ses sévérités pour les hommes dont les principes ou les aspirations menaçaient le repos du gouvernement. Éventer des complots réels ou supposés, démasquer les libéraux et les révolutionnaires, surprendre la piste des sociétés secrètes, tel est le principal souci des gendarmes. Au lieu d’un rempart contre la corruption et contre l’arbitraire des fonctionnaires, la pédante tutelle de la police a été une barrière contre les idées dont le triomphe eût seul pu refréner la vénalité et les abus.

La Russie a éprouvé l’insuffisance de tous les moyens bureaucratiques pour redresser les défauts séculaires de son administration. Impuissant à contrôler lui-même l’immense armée de ses fonctionnaires, le gouvernement impérial s’est enfin décidé à réclamer l’aide du pays, l’aide d’assemblées provinciales et de la décentralisation.