Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/171

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des affaires locales, des affaires provinciales et municipales. Le régime représentatif s’est ainsi introduit dans l’empire autocratique : s’il est aujourd’hui borné aux intérêts locaux, il s’étendra un jour, avant la fin du siècle peut-être, aux intérêts généraux de l’empire. Quel que soit le développement des libertés publiques en Russie, les franchises, nouvellement accordées aux provinces et aux villes, en seront le point de départ. Les formes actuelles du self-govemment local pourront même servir de type ou de modèle aux libertés politiques. C’est dire assez l’intérêt de cette expérimentation du régime représentatif sur un sol aussi neuf.

L’empereur Alexandre II n’est pas le premier qui ait voulu donner à la nation, aux villes et aux provinces une part dans l’administration. On sentait depuis longtemps les inconvénients de la centralisation ; depuis longtemps le gouvernement impérial avait réclamé pour ses fonctionnaires le concours et le contrôle des administrés. Dès avant la Révolution française, la grande Catherine avait prétendu associer les populations à la gestion de leurs propres affaires. Chez aucun des peuples du continent, les droits des habitants envers les fonctionnaires n’étaient plus étendus et mieux établis en droit ; chez aucun ils n’étaient plus reslreiniset moins reconnus dans la pratique.

L’omnipotence du tchinovnisme, institué par Pierre le Grand, à l’exemple de l’Allemagne et sur les conseils de Leibniz, avait des défauts trop manifestes pour échapper aux yeux de la femme qui corrigeait son œuvre en la continuant. Soit pour limiter le règne absolu de la bureaucratie, soit pour flatter l’esprit du siècle, Catherine II attribua aux deux classes qu’elle venait d’organiser en corporation, à la noblesse dans les campagnes, à la bourgeoisie et aux marchands dans les villes, un rôle considérable dans l’administration, aussi bien que dans la justice locale[1],

  1. Voyez tome I, livre V, chap. ii.