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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/174

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les deux traits historiques, les deux faces opposées du dvorianine russe, à la fois fonctionnaire et propriétaire. Il y a pour les réunions du dvorianstvo un cens électoral, fondé naguère sur le nombre de serfs, et aujourd’hui sur la valeur de la propriété ; mais ce cens, destiné à relever le seuil de ces assemblées, est singulièrement abaissé en faveur des tchinovniks et des hauts fonctionnaires. En outre, la noblesse n’a pas le droit de s’enquérir de la moralité des hommes qui siègent dans son sein. Les employés concussionnaires prennent ainsi place au milieu des témoins et parfois des victimes de leurs prévarications. De tels spectacles n’étaient pas faits pour relever la dignité du premier ordre de l’État ni l’autorité de ses délibérations.

Les assemblées de la noblesse avaient jadis pour principal but la nomination des fonctionnaires et des magistrats dont le choix leur était réservé. Aujourd’hui ces assemblées semblent n’avoir presque plus d’objet pratique. Il ne reste à leur nomination que leur président ou maréchal de la noblesse (predvoditel dvorianstva) ; il ne reste à leur décision que des affaires d’une mince importance, comme la tutelle des nobles mineurs et la tenue des registres nobiliaires. Les gentilshommes propriétaires de chaque district n’en continuent pas moins à tenir leurs sessions périodiques, au risque de voir leurs assemblées se changer en conférences d’amateurs ou en libres académies d’administration et d’économie politique. Si l’on n’y peut rien décider, on y peut tout discuter, car la loi autorise la noblesse à débattre tout ce qui touche de près ou de loin ses intérêts. Ce qui reste ainsi à la première classe de l’État, c’est le droit de réunion, borné, il est vrai, à de rares époques, mais garanti par la loi et sanctionné par les mœurs.

Dans une ou deux de ces assemblées, dans celle de Saint-Pétersbourg notamment, se sont fait jour des prétentions aristocratiques qui, même dans un tel milieu, peuvent étonner en Russie. Les grands propriétaires, qui,