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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/175

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dans ces réunions, ont naturellement une inHuence prépondérante, y ont parfois montré quelques velléités de recouvrer certaines des prérogatives dont les a dépouillés l’émancipation. On a ainsi entendu réclamer pour la noblesse et la grande propriété la direction des campagnes et des affaires rurales, la nomination aux emplois judiciaires et administratifs de la commune, du canton, du district, en un mot le monopole de toute la vie provinciale[1]. En émettant de pareilles revendications, la noblesse et la grande propriété oubliaient le triste usage qu’elles ont fait si longtemps des droits et privilèges dont les avait investies Catherine II. Aujourd’hui comme avant l’émancipation, la noblesse est mal préparée au rôle que demande imprudemment pour elle une portion de ses membres. Elle a beau être la classe la plus civilisée, la plus instruite, la plus capable de la nation, elle manque d’hommes aptes à l’administration locale, ou, si elle en possède, ces hommes sont d’ordinaire peu jaloux de se dévouer aux modestes fonctions que l’on revendique pour eux. Comme les autres classes de la société russe, la noblesse a toujours montré peu de goût pour les fonctions gratuites ; cela seul empêcherait de donner à l’administration provinciale une constitution aristocratique[2].

La noblesse est mieux inspirée lorsque, s’élevant au-dessus du cercle étroit de ses intérêts particuliers, elle profite de ses prérogatives pour se faire l’organe des besoins généraux du pays. C’est ce qu’elle a tenté, dans plusieurs provinces, à la fin du règne d’Alexandre II. Les assemblées du dvorianstvo oui ainsi retrouvé, pour quelques mois, une vie et un intérêt qui leur faisaient défaut depuis près de

  1. Voyez G. Samarine et F. Dmitrief, Revolutsionny conservatizm.
  2. Pour obvier à cette difficulté, les écrivains à tendance aristocratique sont obligés de recourir à une sorte de service obligatoire, à une sorte de conscription administrative qu’on imposerait aux propriétaires fonciers. Ainsi, par exemple, le prince V. Mechtcherski (V oulikou vréméni, 1879) et l’auteur anonyme d’une brochure intitulée Chto naradou noujno (1881).