Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/176

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vingt ans, depuis les ardentes discussions de l’époque de l’émancipation. Aux heures de crise, en effet, les assemblées de la noblesse sont seules à pouvoir élever la voix avec quelque liberté, car elles sont seules en possession de l’unique droit politique reconnu dans l’empire, le droit de pétition. Ce droit, borné en principe à ce qui touche ses intérêts de caste, la noblesse l’avait presque abandonné depuis le temps où, en compensation de l’affranchissement de ses serfs, une ou deux de ses assemblées avaient osé demander des franchises politiques et une constitution. Le mécontentement du pouvoir en face de tels vœux, les rigueurs de l’administration à l’égard de ceux qui s’en étaient faits les promoteurs, avaient depuis retenu la noblesse en dehors de ce terrain défendu. Quelques-unes de ses assemblées, ou mieux quelques-uns de ses membres s’y sont plus ou moins risqués de nouveau, dans la session de 1880-1881, durant la courte éclaircie libérale ouverte par le général Loris Mélikof. À Koursk et à Saint-Pétersbourg, la noblesse n’a pas craint de réclamer l’abolition de l’exil administratif ; à Tver, à Kazan, à Pétersbourg surtout, elle a agité, en termes plus ou moins couverts, les moyens de faire participer la société à la direction des affaires publiques. Dans la capitale, un des vétérans de la noblesse pétersbourgeoise, M. Platonof, maréchal de la noblesse de Tsarsko-Sélo, l’un de ceux qui demandaient une constitution en 1862, répondait en février 1881, à l’un de ses collègues, lequel réclamait de nouvelles prérogatives pour la noblesse : « Il est oiseux de travailler à modifier des privilèges qui ont fait leur temps et qu’il serait sans profit d’élargir, dans le cercle restreint où ils s’exercent aujourd’hui. Ce ne sont pas des privilèges que nous devons demander, ce sont des garanties pour la liberté de tous, garanties sans lesquelles la vie n’est plus possible. » Et l’orateur terminait en montrant la Finlande en possession de libertés que le gouvernement refusait à la Russie, et en proclamant l’indispensabilité d’un contrôle du pays sur