Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/179

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et, en fait, elles forment pour ainsi dire les deux moitiés d’une même œuvre. La brusque disgrâce de N. Milutine et des principaux rédacteurs de la charte d’émancipation retarda de deux ou trois ans la création des nouvelles assemblées provinciales. La question ne fut tranchée qu’en 1864, non sans tiraillements et sans incertitudes de la part du pouvoir, alors distrait par l’insurrection de Pologne. Plusieurs des conseillers d’Alexandre II inclinaient à élargir simplement les cadres des assemblées de la noblesse, à admettre, par exemple, aux délibérations des anciens seigneurs les propriétaires non nobles et des délégués des paysans. Après bien des hésitations, le gouvernement se décida à créer, à côté des anciennes assemblées du dvorianstvo, des assemblées nouvelles, composées des représentants des diverses classes. Ces nouveaux États provinciaux portent le nom de zemstvo, c’est-à-dire d’assemblée territoriale[1]. Ce nom, que l’élymologie rapproche du landtag allemand, ne fut pas adopté sans quelque résistance. Aux yeux de certains personnages, il avait le grand tort de rappeler la zemskaïa douma, autrement dit les anciens États généraux de la Moscovie, aux seizième et dix-septième siècles : Alexandre II semble avoir craint que ses sujets n’y vissent un présage de prochaine constitution politique[2]. Si le nom de zemstvo a triomphé de ces naturelles répugnances, c’est que c’était le plus conforme aux traditions russes, qui ont toujours mis, en regard du gouvernement ou du souverain, la terre ou le pays. Ce nom avait aussi l’avantage d’indiquer la prépondérance conservée dans les États provinciaux à la terre et à la propriété.

Le zemstvo réunit les diverses classes de la population, encore séparées par l’organisation communale. Les députés

  1. Zemstvo, de zemlia, terre, pays.
  2. La grande-duchesse Hélène écrivait ; par exemple, à Nic. Milutine « qu’en haut lieu ce nom de zemstvo effrayait ». (Lettre inédite du 26 janvier, 7 février 1861.) C’est, en partie, pour faire ressortir cette liaison d’idées que nous donnons aux zemstvos le titre d’États provinciaux.