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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/190

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délibérer, quel que fût le nombre des délégués présents, alors même qu’une assemblée, comptant plus de soixante membres, n’en réunirait pas dix. Ce fait seul montre quelle est, dans la majeure partie des provinces, la langueur de la vie publique.

Même à Pétersbourg et à Moscou, l’étranger est étonné de rencontrer autant de vides dans les rangs des délégués aux assemblées territoriales. Les hommes qui assistent régulièrement aux séances y viennent pour la plupart moins en représentants des intérêts locaux, qu’en candidats aux justices de paix, à la délégation permanente et aux diverses fonctions rétribuées dont dispose le zemstvo. Les membres les plus assidus ne sont pas ainsi toujours les plus zélés pour le bien du pays. Beaucoup ne voient dans les affaires publiques qu’un moyen de faire les leurs, si bien que nombre de ces « hommes de zemstvo » (zemskié lioudi) ressemblent fort aux politiciens d’Amérique et de certains États d’Europe. La présence de ces coureurs de place éloigne trop souvent les hommes les plus capables ou les plus honnêtes, de sorte que la direction des afTaires locales peut tomber aux mains d’intrigants besogneux. Les semences du mal dont se plaignent des pays plus avancés dans la vie politique ont ainsi déjà germé dans cet humble et jeune self-govemment provincial. En plus d’un district, les hommes qui auraient le plus de titres à diriger les affaires locales se tiennent systématiquement à l’écart. Cette sorte d’abstention ou d’absentéisme moral a été une des raisons du discrédit qui, dès les dernières années d’Alexandre II, avait frappé les nouvelles institutions territoriales. Les États provinciaux, dont on attendait la réforme de tous les abus de l’administration bureaucratique, n’ont pas toujours été fermés aux défauts qu’ils devaient faire disparaître. On a plus d’une fois signalé chez eux des spéculations condamnables, des cas de prévarication ou de dilapidation. Les élus et les fonctionnaires du zemstvo se sont çà et là