Aller au contenu

Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

transformés en tchinovniks d’un nouveau genre. Au lieu de purifier l’administration et de désinfecter la bureaucratie, ils n’ont pu en respirer impunément l’air méphitique, et ont quelquefois gagné le mal qu’ils avaient pour mission de combattre.

Bien que légalement recrutées de la même manière, ces assemblées territoriales diffèrent, du reste, beaucoup les unes des autres. Elles ont une physionomie diverse suivant les diverses provinces. Il suffit souvent de peu de chose, d’un homme de plus ou de moins, pour les transformer, secouer leur apathie et les éveiller à une vie nouvelle. Nulle part le levain de l’énergie individuelle n’est plus nécessaire ni plus efficace. Les zemstvos de district qui ont rendu le plus de services le doivent d’ordinaire à un petit groupe local ou à une personnalité active et dévouée. Aussi tel zemstvo qui, durant des années, s’était distingué par son zèle retombe-t-il tout à coup dans l’indifférence et l’obscurité, comme s’il avait perdu la vie en perdant son leader[1].

Si imparfaites que soient ces assemblées territoriales, les provinces qui en possèdent ont un incontestable avantage sur les régions qui en sont dépourvues. Tous les gouvernements de l’empire, en effet, n’ont pas été dotés à la fois de ces États provinciaux. En fait de réformes et d’institutions, on ne procède pas, en Russie comme chez nous, par mesures uniformes, promulguées le même jour dans toutes les parties du territoire. Le gouvernement impérial reste maître de la distribution comme de l’introduction des réformes que sa main répand sur l’empire, il les applique là où bon lui semble. Dans un État aussi vaste et aussi complexe, il n’en saurait guère être autrement. Cette méthode a un avantage, elle permet d’éprouver en un champ restreint les institutions nouvelles, de ne les étendre à tout l’empire qu’après en avoir vu l’effet

  1. Mordovtsef : Déciatilétié rousskago semstva ; cf. Vésinik Svropy (mars 1881).