Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/193

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est maîtresse de donner ou de restituer une part de ces libertés qu’elle a si souvent réclamées pour les sujets d’autrui. Les ressentiments du passé semblent, il est vrai, faire obstacle à cette mesure de réparation ; mais, quelles qu’en soient les difficultés, une pareille œuvre est assurément moins malaisée que la tâche naguère entreprise par Alexandre II au delà du Danube, et, pour être moins coûteuse, elle ne serait ni moins profitable à l’empire, ni moins honorable à son souverain.

Sans parler de la Pologne, de la Lithuanie, de la Russie Blanche, les fertiles provinces du sud-ouest, Kief, la Podolie, la Volhynie, où domine incontestablement l’élément russe et orthodoxe, petit-russien il est vrai, attendent en vain, depuis des années, qu’on leur octroie ces États provinciaux qui fonctionnent de l’autre côté du Dniepr. Comme si le gouvernement se faisait un devoir de maintenir, par ses mesures d’exception, le cadre de l’ancienne Pologne, Kief, le premier berceau de l’État russe, Kief, réuni à la Russie dès avant Pierre le Grand, est demeuré en dehors du droit commun. Cette infériorité met obstacle au développement de ces riches et populeuses contrées du sud-ouest dont les besoins ne peuvent être appréciés de l’administration, comme ils le sont des habitants.

Par un de ces contrastes si fréquents en Russie, pendant que Kief réclamait des zemstvos pour l’Ukraine et la rive occidentale du Dniepr, les Cosaques du Don, dotés par Alexandre II d’assemblées territoriales, pétitionnaient auprès d’Alexandre III pour être débarrassés de cette nouveauté. Il faut être en Russie pour voir des provinces repousser ainsi les droits et immunités que le pouvoir prétend leur conférer. Cette singulière protestation contre l’introduction des États provinciaux paraît d’autant plus bizarre que les Cosaques du Don sont presque la seule population d’origine grande-russienne qui se soit longtemps administrée elle-même, et n’ait pas entièrement perdu le souvenir de son ancienne autonomie. Cette répul-