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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/194

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sion des riverains du Don pour des assemblées sollicitées par des régions plus riches et plus avancées, s’explique en partie par la prédominance des paysans dans cette province, par l’esprit de défiance du moujik pour toutes les nouveautés. Ce n’est point là toutefois le seul ni peut-être le principal motif de l’opposition des Cosaques du Don. En dehors de la méfiance et des conflits, provoqués à dessein par l’administration militaire, ces rustiques Cosaques ont trouvé que les récentes institutions coûtaient bien cher pour les avantages qu’elles rapportaient, qu’au lieu de procurer aux habitants des franchises nouvelles, ces États provinciaux n’étaient, pour l’administration locale, qu’une complication de plus et une dispendieuse formalité[1]. Dans bien des provinces, le peuple serait à peu près du même avis. Il ne connaît les zemstvos que par les taxes qu’ils lui imposent ; il sait que le plus souvent ses représentants élus restent impuissants devant le tchinovnisme, et avec son épais bon sens vulgaire il fait fi d’une autonomie qui ne lui vaut aucun profit direct. Cette grossière appréciation d’un peuple ignorant, peu capable de priser les bienfaits d’une institution dont il doit attendre le lent développement, a été encouragée par toutes les restrictions apportées aux prérogatives primitivement accordées aux zemstvos. Par là le gouvernement impérial a été le premier responsable de la fréquente indifférence de la société pour les droits qu’il lui a octroyés, responsable de l’incurie et de la négligence qui, sous différentes formes, se manifestent plus ou moins dans les diverses classes de la nation.



  1. Après avoir nommé une commission locale pour étudier la question. Alexandre III a fait droit à la demande des Cosaques ; si le zemstvo a depuis été rétabli dans la région du Don, le fonctionnement en a été simplifié.