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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/198

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administrative et de l’ancienne hiérarchie, sans modifier les fonctions et les droits des tchinovniks, qui possèdent seuls l’autorité effective et gardent seuls la responsabilité. Au lieu de chercher à faire rentrer les nouveaux États provinciaux dans le cadre général de l’administration, Alexandre II les y a introduits brusquement, comme des corps étrangers, sans lien organique avec les institutions qui les entourent[1].

En faisant appel au self-government on a laissé presque intact le vieux régime bureaucratique, sans vouloir s’avouer leur incompatibilité. Des deux forces ainsi mises en présence, il fallait que l’une se subordonnât l’autre. Au rebours des premières espérances, c’est jusqu’ici le tchinovnisme qui a tenu les assemblées électives sous sa dépendance. Dans l’indécision où étaient laissées les frontières de l’ancienne administration bureaucratique et des nouveaux États provinciaux, il était impossible que l’une des deux puissances limitrophes n’empiétât pas sur l’autre ; et naturellement c’est la plus forte qui devait se permettre le plus d’incursions sur le territoire d’autrui[2]. Si, avec des limites aussi mal définies, il n’y a pas plus souvent conflit entre le tchinovnisme et les zemstvos, cela tient à l’impuissance de ces derniers à repousser les envahissements des gouverneurs et de l’administration. Pour éviter toute lutte entre ses fonctionnaires et les assemblées électives, le gouvernement d’Alexandre II n’avait, du reste, cessé de rogner les franchises des zemstvos ; il avait eu soin de les assujettir peu à peu au représentant du pouvoir central.

Le statut de 1864, plusieurs fois remanié dans un sens restrictif, avait déjà cependant pris ses précautions contre

  1. Voy. Bezobrazof : Zemskiia outchrejdénia i samooupravlénié.
  2. Le gouvernement a flni par reconnattre les inconvénients d’un pareil état de choses. Alexandre III a chargé une commission de préciser les attributions des zemstvos en remaniant l’administration provinciale. Il est vrai que, si l’on donne suite aux projets élaborés par cette commission de 1882 à 1886, ce ne sera pas la bureaucratie qui s’en plaindra