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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/20

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populaires risquerait d’être broyé, « et ce qui est entre, disait Samarine, c’est toute la Russie lettrée, toute notre culture[1]. ». Cette perspective de l’écrasement des classes civilisées par un soudain et violent rapprochement du peuple et de l’autocratie est la plus sombre de toutes celles que l’avenir peut ouvrir à la Russie ; mais, quand une telle catastrophe serait possible, ce ne serait pas une solution. Un soulèvement populaire, provoqué par les attaques contre la puissance du tsar, aurait tous les dangers et tous les défauts d’une révolution, sans que des ruines ainsi amoncelées il pût rien sortir.

Si l’on peut dire que le tsar et le moujik, l’autocratie et la commune, sont encore les deux forces vivantes de la Russie et que rien ne saurait résister à leur choc, on ne saurait prétendre qu’elles peuvent se suffire l’une à l’autre. Loin de là, de même que le paysan dans son izba est impuissant à protéger la vie de l’empereur, le souverain, dans son Palais d’hiver comme dans ses résidences de Tsarsko ou de Livadia, est souvent inhabile à défendre les paysans contre les vexations de ses propres employés, de sa propre administration.



  1. Même lettre.