Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/200

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à toute résolution qui lui paraît contraire aux vrais intérêts de l’empire. Il suffirait d’une formule aussi vague pour mettre les États provinciaux dans la dépendance du bon vouloir des fonctionnaires. Par une sorte d’interversion des rôles, les assemblées territoriales, qui semblaient créées pour contrôler la bureaucratie et le tchinovnisme, se trouvent ainsi placées sous la tutelle de l’administration. Les États provinciaux ne sont même pas assurés de la force que donnent aux assemblées délibérantes la publicité et l’appui de l’opinion. Les débats des zemstvos sont publics ; mais les comptes rendus des séances ne peuvent être publiés qu’avec l’approbation du gouverneur. Si la parole est libre, elle ne peut sortir de l’enceinte du zemstvo qu’en se courbant sous le joug de la censure[1].

Le gouverneur se dresse constamment entre les assemblées territoriales et le pouvoir central, comme entre elles et les populations. À l’inverse des assemblées de la noblesse, les États provinciaux sont privés du droit de pétition. S’ils sont autorisés à adresser des demandes au pouvoir en vue d’intérêts locaux, ils ne peuvent le faire que par l’intermédiaire du gouverneur. Or les vœux ainsi exprimés n’ont pas le même poids sur l’opinion que ceux de nos conseils généraux, et ils n’ont pas plus de crédit auprès des autorités centrales. On calculait en 1881 que, sur un millier de vœux émis par les États provinciaux, à peine une centaine avaient été admis à l’examen, et une vingtaine seulement pris en considération.

Les prérogatives des zemstvos, déjà si bornées dans la

  1. Plusieurs zemstvos ont entrepris la publication de journaux ou d’annuaires contenant le résumé de leurs travaux ; mais, grâce aux restrictions légales et à l’indifTérence de la société, la plupart de ces publications ont peu de lecteurs. Il en a été de même d’un Annuaire des Zemstvos, fondé par la Société économique de Pétersbourg, afin de centraliser toutes les nouvelles intéressant les États provinciaux. Le premier volume n’a trouvé que trois cents acheteurs, alors qu’il existe plus de quatre cents zemstvos de gouvernement et de district, lesquels comptent ensemble des milliers de membres. Aussi cet annuaire n’a-t-il pu continuer à paraître que grâce à une subvention du ministère des Finances.