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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/211

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secours de ces auxiliaires qui viennent l’aider dans une tâche dont dépend en grande partie tout le développement économique et moral de l’empire. Malheureusement, en Russie plus qu’ailleurs, l’État est soupçonneux et prompt à s’alarmer, jaloux de toute immixtion dans ce qu’il regarde comme son domaine, aimant peu à laisser faire par autrui ce qu’il ne peut faire lui-même. Au lieu d’encourager les zemstvos dans leurs efforts pour dissiper l’ignorance des masses, le gouvernement en a de diverses manières gêné l’initiative. Durant presque toute la seconde moitié du règne d’Alexandre II, le ministère de l’Instruction publique, dirigé par le comte Tolstoï, était moins soucieux de multiplier les écoles que de les surveiller et d’épurer le personnel enseignant. Là, comme partout, les inquiétudes politiques et les préoccupations bureaucratiques primaient toute autre considération. Dominé par la crainte de voir frayer les voies à la propagande révolutionnaire, Pétersbourg regardait d’un œil défiant les humbles fondations des zemstvos de province. C’est ainsi que le ministère a fermé la plupart des séminaires ou écoles normales d’instituteurs ouverts par les zemstvos, ainsi que les cours complémentaires inaugurés par eux durant les vacances. Les agissements du pouvoir central étaient tels, qu’un haut personnage a pu dire que tous les efforts du ministère de l’Instruction publique étaient dirigés contre l’instruction populaire. Le fait est que le zèle des zemstvos et des communes a été maintes fois paralysé par la bureaucratie pétersbourgeoise, dont leurs écoles et leurs instituteurs surtout éveillaient la craintive vigilance. Cette suspicion a fait à ces malheureux instituteurs une situation misérable qui, en en blessant et aigrissant un grand nombre, a contribué à en jeter plusieurs dans les rêveries révolutionnaires, dont on voulait les préserver. Les dénonciations, encouragées par les inspecteurs du ministère, et les minutieuses tracasseries de la police ont eu les plus bizarres et tristes conséquences.