Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/212

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Ignorant, paresseux, ivrogne, l’instituteur pouvait compter sur l’indulgeiice de ses chefs, qui réservaient leurs rigueurs pour les maîtres, rendus suspects par leur zèle pour l’instruction du peuple. En de telles conditions, avec des traitements d’ordinaire insuffisants, la misère seule pouvait recruter le personnel de l’enseignement. Aussi plusieurs zemstvos ont-ils eu soin d’élever le salaire des maîtres en même temps qu’ils s’ingéniaient à répandre l’instruction. Le gouvernement ne pouvait pas repousser les offrandes des zemstvos ; mais il a limité leurs droits, en matière d’instruction, à la faculté de fournir des subsides aux écoles, entièrement abandonnées à l’arbitraire d’inspecteurs soupçonneux. Toute intervention des assemblées territoriales dans les questions scolaires a été interdite. Si les zemstvos ont des représentants dans les conseils provinciaux de l’instruction publique, ces membres élus sont en minorité et sans influence vis-à-vis de tchinovniks qui, par leur caractère, inspirent souvent peu de confiance aux délégués de la société. Quelque justifiable que semble, à certains égards, la situation ainsi faite aux zemstvos, elle était peu propre à stimuler leurs efforts, et naturellement c’est l’enseignement primaire qui a pâti des malentendus et des défiances réciproques des assemblées électives et de la bureaucratie.

Il y a une vingtaine d’années, dès avant 1870, les zemstvos, alors dans toute la foi et l’enthousiasme de la jeunesse, se flattaient de transformer rapidement la Russie en mettant partout l’école à la portée du peuple. Dans leur zèle civilisateur, quelquefois un peu emphatique, les États provinciaux s’étaient solennellement prononcés pour l’enseignement obligatoire[1]. Le principe a été proclamé ; mais les obstacles sont venus d’où l’on semblait pouvoir espérer

  1. Cette question, si prématurée qu’elle semble, est du reste demeurée à l’ordre du jour, dans les zemstvos, dans la presse et dans les conseils du gouvernement. (Voyez Materialy po voprosou o wedenii obiazaiteinago oboutcheniia v Rossii, t. 1, publication du ministère de l’Instruction publique, Saint-Pétersbourg, 1880.)