Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/215

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ils ne reçoivent que 200 ou 300 roubles. À ce prix on comprend que les plus capables négligent le public pour leur clientèle privée. Trop pauvres pour engager un nombre suffisant de docteurs, les zemstvos sont obligés de se rabattre sur des médecins qui n’ont pas achevé leurs études, sur de modestes officiers de santé et des sages-femmes, assistés d’infirmiers et de vaccinateurs diplômés. Ces officiers de santé (feldschéry) reçoivent d’habitude 200 ou 300 roubles par an, c’est-à-dire moins d’un millier de francs. Pour une pareille somme, qui suffit à peine à la vie d’un homme sans famille, on ne peut avoir que des gens sans ressources, contraints par la nécessité à ce dur service.

La pénurie financière est une des entraves que rencontrent presque partout, en Russie, l’État, les municipalités, les assemblées provinciales ; mais ici, comme pour bien d’autres choses, ce n’est pas la seule. Quand les zemstvos seraient assez riches pour être moins parcimonieux, le personnel médical serait encore insuffisant pour les besoins du pays. Les universités de l’empire ne comptaient pas, à la fin du règne d’Alexandre II, plus de 3000 étudiants en médecine, et sur ce nombre il n’y avait pas, chaque année, 300 jeunes gens à terminer leurs cours, à recevoir leur diplôme de docteur[1]. Les villes absorbent naturellement la plupart de ces médecins, il ne reste pour les zemstvos et les campagnes que le rebut. Les États provinciaux ont trouvé une ressource précieuse dans les femmes et les jeunes filles, qui, en Russie, ne reculent pas devant les dégoûts de la clinique et des dissections. Par leur dévouement à leur art et aux malades, par leur désintéressement et leur patience, par leur peu de prétentions et leur peu de besoins matériels, ces femmes méde-

  1. Je dois noter que depuis quelques années les jeunes gens des deux sexes, la jeunesse d’origine juive notamment, se portent en plus grand nombre vers les études médicales, à tel point que bientôt, peut-être, ce ne seront plus les médecins qui feront défaut.