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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/216

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cins ou, mieux, ces officiers de santé féminins (feldschéritsy) se sont souvent montrées fort supérieures aux hommes. Elles rendent plus de services à moins de frais, surtout pour les soins aux femmes et aux enfants. Elles savent mieux se faire voir du moujik et ont moins de peine à faire pénétrer dans son izba les notions d’hygiène. Les femmes, dévorées du désir d’être utiles au peuple, désir qui tourmente une partie de la jeunesse des deux sexes, ont pu trouver dans ces obscures et ingrates fonctions de quoi exercer leur noble passion de sacrifice. Ce zèle humanitaire n’allant pas toujours sans quelques rêveries de nouveautés, ces humbles médecins en jupon se sont, comme les instituteurs de village, heurtés à la malveillance du pouvoir, dont les défiances, pour être parfois justifiées, ont le tort, en se montrant trop à découvert, de provoquer elles-mêmes l’esprit de mécontentement et de révolte. Cette suspicion gouvernementale, obstacle de surcroît à toute initiative et à tout progrès, s’est manifestée par des règlements d’administration ou de police sur l’emploi des femmes médecins. Si l’on n’a point osé priver les zemstvos de ces utiles auxiliaires, on a tenté de limiter le nombre des feldschéritses qu’ils pouvaient prendre à leur service. Sur ce point cependant, la persévérance féminine et les besoins du pays devaient triompher de la mauvaise volonté du pouvoir. En dehors des cours organisés pour les jeunes filles par le gouvernement même près de ses facultés de médecine, plusieurs zemstvos ont, pour leur propre service, créé de modestes écoles de feldschéritses, afin d’augmenter leur personnel féminin.

Les États provinciaux n’ont pas toujours, il faut le dire, été aussi bien inspirés dans leurs fondations. Comme le gouvernement et les particuliers, quelques-uns ont parfois cédé au désir de briller, à ce goût de l’apparat si répandu partout en Russie. C’est ainsi que plusieurs ont construit à grands frais, dans les villes, de fastueux hôpitaux à prétentions monumentales qui, dans un pays aussi