Aller au contenu

Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publique, c’est là une tradition ou un legs du servage. À l’exemple biblique de l’Égypte des Pharaons et de Joseph, chaque commune rurale doit, aujourd’hui comme avant l’émancipation, avoir ses greniers de réserve pour parer aux vaches maigres qui, sur les bords du Dniepr, du Don, du Volga, succèdent si souvent aux vaches grasses. Le gouvernement confie aux assemblées de district le soin de veiller à ce que ces réserves de blé soient au complet. On m’a montré plusieurs de ces greniers d’abondance : en dépit des règlements et des statistiques officielles, ils étaient presque vides. La surveillance des zemstvos ne vaut pas, à cet égard, celle de l’ancien seigneur. À en juger par là, les campagnes gagneraient peu à ce que les communes rurales fussent, comme le demande maint publiciste, mises sous la tutelle des zemstvos de district. Ces derniers sont cependant intéressés au bon état des greniers communaux ; car chacun d’eux est tenu d’avoir ses magasins de céréales ou ses fonds d’approvisionnements pour secourir les communes en détresse.

En dépit de toutes ces minutieuses précautions, la sécheresse du climat, l’insuffisance de l’agriculture et les voraces mandibules d’insectes de toutes sortes, amènent fréquemment, dans les plus fertiles provinces, des disettes qui tournent parfois en famines, contre lesquelles la charité légale est impuissante. On se rappellera longtemps la désastreuse famine de 1892, qui a donné au bassin du Volga le spectacle de souffrances qu’on aurait crues de nos jours impossibles en Europe. D’autres régions ont, durant les dix dernières années, été presque aussi durement éprouvées, et en pareil cas il faut non seulement pourvoir à la nourriture d’une population sans ressources, mais lui fournir les grains nécessaires à ses semailles. Or, quand elles seraient intactes, les réserves des zemstvos seraient, d’ordinaire, incapables de suffire à cette double tâche, et ces réserves sont le plus souvent singulièrement réduites. La plupart des zemstvos ont été contraints de puiser dans