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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/220

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ces mesures préventives ne font que réduire le champ du fléau ; il fallait assurer le paysan contre des sinistres dont on ne pouvait le mettre à l’abri. Or, dans les campagnes, on ne saurait guère compter sur le secours des compagnies privées ; les risques sont trop élevés pour les compagnies, le paysan trop pauvre ou trop imprévoyant pour s’assurer à grands frais. Contre un fléau aussi général et aussi destructeur, la liberté et l’initiative individuelle fussent demeurées longtemps impuissantes. Qu’ont fait les zemstvos ? Ils ont établi dans les campagnes des assurances mutuelles obligatoires.

En un tel pays, avec le moujik russe, c’était là le seul moyen pratique. Les primes d’assurance sont fixées par les zemstvos et perçues à leur profit comme une taxe. Sous le régime de la propriété commune et de l’impôt solidaire, un tel procédé, au lieu de répugner aux habitudes du paysan, s’accommodait aisément à ses idées et à ses mœurs. Ces assurances obligatoires, encore toutes récentes, sont un réel bienfait pour la Russie ; malheureusement les ravages du feu sont si grands, que les zemstvos ont beau élever le taux des primes, ils ne peuvent entièrement indemniser les victimes. C’est à la prévoyance des règlements et à la vigilance des autorités de diminuer le nombre et la gravité des sinistres.

Ce système d’assurance obligatoire, il a été question de l’étendre à d’autres sphères de la vie populaire. En Russie de même qu’en Occident, de même qu’en Allemagne notamment, certains esprits sont enclins à y chercher une panacée pour toutes les souffrances du peuple, du paysan surtout. Dans plusieurs provinces, dans celle entre autres de Pétersbourg, on a demandé au zemstvo de voter l’assurance du bétail, si souvent atteint par des épizooties et la peste sibérienne[1]. À l’inverse de l’esprit anglais, l’esprit russe est porté à tout réclamer de l’initiative publique, et

  1. Voyez plus haut livre I, chap. iv, et livre III, chap. ii, p. 69.