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CHAPITRE III


Comment, après avoir excité des espérances démesurées, les États provinciaux ont causé de nombreuses déceptions. Raisons de cette désillusion. — Le self-govemment local saurait difficilement se passer de libertés politiques. — Attitude des zemstvos durant la crise nihiliste. — Injustice des défiances excitées par eux. — De quelle façon il serait facile de transformer les États provinciaux en États généraux. — Conférences d’experts réunies par Alexandre III. — Nécessité de la décentralisation. — Unanimité des Russes à ce sujet. — Le self-govemment local et l’autocratie.


Pour qui récapitule tout ce que, avec d’aussi pauvres moyens, ils ont accompli ou tenté en une vingtaine d’années, il semble que les zemstvos doivent être entourés d’une légitime popularité. À vrai dire, il n’en a pas toujours été ainsi. L’opinion, à leur égard, a passé par les plus singulières alternatives d’enthousiasme et de désenchantement. Les États provinciaux avaient à leur début excité les plus hautes espérances. L’un des motifs du rapide revirement de l’opinion a été précisément l’exagération de la première confiance, la témérité des illusions ou des rêves fondés sur les nouvelles franchises provinciales. La Russie a été d’autant plus exigeante vis-à-vis des zemstvos qu’elle en attendait davantage. L’esprit des peuples, l’esprit russe en particulier, est prompt à escompter l’avenir et prompt au découragement. Tout joyeux des nouvelles et larges perspectives que leur ouvrait le self-govemment provincial, le public et la presse y croyaient découvrir un horizon illimité de liberté et de prospérité. Les yeux éblouis n’apercevaient pas les bornes, pourtant trop visibles, imposées d’avance à cette libre administra-