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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/224

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tion par les habitudes du pouvoir, par la routine administrative, par la pénurie financière.

L’erreur a été découverte, les limites tracées à l’activité des zemstvos ont été d’autant plus vite atteintes que ces limites ont été rétrécies. Les États provinciaux, nous ne saurions l’oublier, ont vu le jour à l’époque où, comme prise de lassitude et effrayée de son œuvre, l’énergie libérale du gouvernement réformateur commençait à pencher vers son déclin. Les zemstvos ouvraient leurs assises peu de temps après la déplorable insurrection de Pologne, peu de temps avant que le mystérieux attentat de Karakozof rendît à la police et à la IIIe section son ancien ascendant. Il n’en eût pas été ainsi, l’administration ou la loi ne les eussent pas tenus en lisières, que les zemstvos n’auraient pu remplir toutes les promesses faites à leur berceau par un présomptueux optimisme.

Ce que l’opinion attendait de ces assemblées territoriales, ce n’était rien moins qu’une complète transformation, une aisée et rapide métamorphose de l’empire, comme si les institutions avaient, pour renouveler les peuples, une sorte de vertu magique. Cette erreur est trop commune pour la reprocher aux Russes. De même que bien d’autres peuples, ils avaient oublié qu’avant de donner tous leurs fruits il faut que les institutions et les libertés s’acclimatent et s’enracinent. À un engouement excessif a succédé un dénigrement outré. La vérité est qu’au milieu des traditions bureaucratiques, avec les entraves dont ils sont embarrassés, devant la pénurie d’argent qui les arrêtait, les zemstvos ont à peu près donné au pays tout ce qu’un esprit sobre en pouvait espérer.

Le temps n’est pas encore bien loin où j’entendais de ces Russes, depuis dédaigneux de leurs institutions locales, s’enorgueillir de leurs zemstvos, se vantant d’avoir suivi une meilleure voie que la plupart des peuples de l’Europe, se félicitant d’être entrés dans la liberté par la vie locale, par les franchises provinciales et municipales. « Grâce à