Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/227

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sol et d’achever la maison, car, sans les étages supérieurs et sans le toit qui les met à couvert de la pluie ou du soleil, le sous-sol et le rez-de-chaussée ne sauraient guère être habitables.

C’est là ce que la plupart des Russes n’ont pas compris, ce que beaucoup encore se refusent à confesser aujourd’hui. Ils n’ont voulu voir que ce qui flattait leur amour-propre et ont couru ainsi au-devant des déceptions. Le self-government local, tel qu’il a été institué par Alexandre II, était le meilleur mode d’initiation à la vie publique, la meilleure manière de dresser peu à peu la nation au maniement de ses affaires. C’était un excellent apprentissage, mais, en se prolongeant indéfiniment, l’apprentissage risquait de dégoûter les apprentis. Le self-government local, impuissant à se suffire à lui-même, ne saurait être qu’un commencement, un point de départ ; prétendre s’y arrêter indéfiniment, c’est, à notre sens, une illusion, et cette illusion a été celle du gouvernement et du pays avec lui.

Le pouvoir n’avait rien négligé pour enfermer les États provinciaux dans l’étroite enceinte des affaires locales et clore toutes les fissures par où ces assemblées eussent pu être tentées d’en sortir. Le droit de pétition, le plus élémentaire et le plus humble des droits qui puissent être reconnus à un peuple ou à des corps délibérants, le droit de déposer des vœux au pied du trône, a été refusé aux assemblées territoriales, ou, s’il leur a été concédé, il a été rigoureusement borné aux intérêts locaux, et les zemstvos russes n’ont pas eu, comme nos conseils généraux français, besoin de se faire souvent remémorer la loi par les représentants du gouvernements[1]. Lorsque, dans la naïve

  1. Sans sortir du domaine des intérêts locaux, où la loi les enferme, les nouveaux États provinciaux pouvaient tendre indirectement à élargir leur sphère d’action, au nom même de l’intérêt local, en se mettant en rapport les uns avec les autres, en se concertant avec leurs voisins pour les affaires qui touchent plusieurs provinces. La bureaucratie ne pouvait voir d’un bon œil les zemstvos entrer en relation ensemble, et les provinces s’unir, ne fût-ce que dans un intérêt purement économique. Aussi les zemstvos ont-ils