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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/229

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En dépit de toutes leurs déceptions, les zemstvos ont toujours gardé l’espoir que tôt ou tard les circonstances contraindraient le gouvernement à réclamer leur concours. Plusieurs fois déjà, au milieu de la guerre de Bulgarie, lors des irritantes défaites de Plevna, — entre le traité de San-Stefano et le traité de Berlin, lorsqu’on appréhendait une guerre avec l’Angleterre, — durant la crise nihiliste, lorsque, avec le général Loris Mélikof, Alexandre II semblait enclin à revenir à une politique libérale, — depuis la mort de ce prince enfin et l’avènement d’Alexandre III, on s’est flatté à diverses reprises de voir le souverain, désireux de se mettre ostensiblement en communication avec son peuple, s’adresser sous une forme ou sous une autre aux zemstvos, leur demander, pour telle ou telle mesure, une sorte de ratification ou de consécration nationale. Pour obtenir une représentation du peuple russe, il n’y aurait guère, en effet, qu’à réunir une délégation des divers États provinciaux. En de graves conjonctures, en cas de guerre malheureuse et de péril national par exemple, ou en cas de minorité turbulente et de régence contestée, le gouvernement pourrait, sans charte ni constitution, sans élections même, improviser une assemblée de mandataires du pays. Il suffirait à la rigueur de convoquer à Saint-Pétersbourg ou à Moscou les commissions de permanence des zemstvos des diverses provinces[1].

De la guerre de Bulgarie au couronnement d’Alexandre III j’ai rencontré plus d’un Russe qui se flattait de voir ainsi sa patrie mise indirectement en possession d’une sorte de représentation nationale. Il faudrait un péril imminent

    reproduire alors, ne fut connu du public russe qu’un an plus tard environ, sous le ministère du général Loris Mélikof.

  1. En 1878, lorsque, durant le congrès de Berlin, les Russes redoutaient un conflit avec l’Angleterre, quelques-uns des organes les plus influents de la presse, le Golos entre autres, avaient proposé de faire établir par les zemstvos des taxes extraordinaires, destinées à de nouveaux armements. Ç’eût été une manière déguisée de faire voter par les représentants du pays une partie des fonds exigés pour la guerre.