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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/232

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que, d’après les théories slavophiles, ce mode de désignation, par le pouvoir, d’hommes choisis parmi les représentants de la nation est plus conforme au caractère national et à la tradition slave : c’est une manière de réaliser l’union tant vantée du tsar et du peuple. À en croire même certaines spéculations, c’est de cette façon, par le choix du tsar et non par élection directe, que devrait être composé le zemskii sobor, la représentation légitime de la nation. Certains défenseurs de ce procédé ajoutent que l’on ne saurait faire élire les représentants du pays par les zemstvos, attendu que les zemslvos, avec leur diversité de provenance, ne représentent point le pays, mais seulement telle ou telle classe[1].

Quoi qu’il en soit, quand le gouvernement eût persisté dans cette pratique nouvelle, quand, selon une promesse du général Ignatief[2], un peu oubliée de son successeur, le comte Tolstoï, toutes les questions vitales seraient dorénavant résolues avec le concours « d’hommes du pays », de pareilles assemblées, aussi souvent réunies et aussi libres qu’on les suppose, ne seraient jamais que des commissions consultatives. Dans toute question traitée par elles, le dernier mot resterait, comme par le passé, à l’administration et au tchinovnisme. Aussi, indépendamment même de l’absence d’élection, ne saurait-on voir dans ces conférences la menue monnaie de chambres législatives. Leur principal avantage, si elles ne sont pas systématiquement épurées, c’est qu’elles peuvent permettre à la voix de ses sujets de monter de temps en temps jusqu’aux oreilles du tsar autocrate.

Au moment où la conférence d’experts de 1881 termi-

  1. Ainsi, par exemple, la Rous de M. Aksakof, en oct. 1881. Tel n’est pas l’avis des zemstvos, dont plusieurs ont, en 1881 et 1882, exprimé l’espoir d’élire dorénavant les experts appelés dans les commissions impériales. L’un d’eux même, celui de Novgorod, a prié les membres de son bureau de n’accepter aucune nomination, dans aucune commission, sans un mandat de leurs collègues.
  2. Discours du général Ignatief, alors ministre de l’Intérieur, à l’ouverture de la conférence d’experts, 24 sept. 1881.