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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/247

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manquent d’air de famille. Sous ses deux grands réformateurs, sous Alexandre II comme sous Pierre le Grand, le peuple russe nous fait souvent l’effet d’un peuple soumis à des expériences. La Russie possède ainsi deux modes divers de représentation qu’elle expérimente concurremment. Il serait prématuré de décider lequel des deux systèmes triomphera le jour où l’empire autocratique sera mis en possession d’élections politiques.

En certains pays, en France notamment, les communes urbaines et les communes rurales sont organisées sur le même type, comme si elles ne différaient que par les dimensions ou le nombre d’habitants. Il en est autrement en Russie, et dans aucun pays une telle diversité n’est mieux justifiée. Entre les villes et les villages, entre les municipalités urbaines et les communes rurales, tout est contraste. Tandis que ces dernières restent le domaine exclusif d’une classe, le domaine particulier du paysan, les municipalités urbaines sont ouvertes à toutes les conditions sociales, sans distinction d’origine. En Russie, cette diversité d’organisation a sa principale raison d’être dans la diversité du mode de propriété. Dans les villes, il n’y a point, comme dans les campagnes, deux modes distincts de tenure du sol ; il n’y a point de classe vivant de la propriété communale et en ayant le monopole. Dans les villes, les habitants ne diffèrent les uns des autres que par le degré de richesse et par l’éducation ; n’étant pas séparés par des intérêts divers ou opposés, ils peuvent aisément être tous réunis dans le même corps électoral.

Cette suppression des anciennes barrières de classes, dans les municipalités, est cependant toute récente. Du règne de Catherine II au règne d’Alexandre II, les villes ont été regardées comme le domaine propre des classes urbaines, de même que les villages sont aujourd’hui le domaine exclusif du paysan. Sous le régime institué par Catherine, le noble et le paysan étaient exclus de l’administration de la ville qu’ils habitaient, de même