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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/250

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qu’un nouveau statut a définitivement renversé les bases de l’administration urbaine. Selon les habitudes du gouvernement russe, qui applique rarement d’un coup les institutions nouvelles à toute la surface du territoire, la nouvelle loi avait été expérimentée dans les trois grandes villes de l’empire, à Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Odessa avant d’être étendue à la généralité des villes de province[1].

La loi qui, sous Alexandre II, a enlevé aux élections urbaines tout caractère corporatif, n’a point pour cela supprimé les corporations de citadins, organisées autrefois par Catherine II. Ces anciens cadres, élevés au dix-huitième siècle, à l’imitation de l’Allemagne, n’ont pas été brisés : marchands, petits bourgeois, artisans[2], ont, comme par le passé, conservé leurs assemblées et leurs chefs élus. La noblesse n’est donc pas seule en possession de ce privilège. Les mêmes droits se retrouvent, à un degré plus modeste, chez les autres classes ; mais les assemblées de ces dernières font peu parler d’elles. On s’y borne à traiter des affaires intéressant la communauté. Dans un pays où la vie publique serait active, où les citoyens seraient jaloux de se servir de tous les moyens d’influence laissés en leurs mains, une telle organisation, déjà presque séculaire, pourrait donner aux différents groupes de la population une singulière force avec une plus grande cohésion. En Russie il n’en est rien ; le cadre de certaines de ces corporations est du reste tout artificiel et déjà suranné. Loin de former autant d’États dans l’État ou de villes dans la ville,

    tchinovnîsme. Voyez Un homme d’État russe (Nicolas Milutine) d’après sa correspondance inédite. Hachette (1884), p. 21.

  1. L’administration des trois grandes villes conserve toujours quelques traits particuliers. Le nouveau statut n’est pas encore appliqué partout ; un oukaze de 1878 en a ordonné l’introduction dans les villes des trois provinces baltiques, Livonie, Courlande, Esthonie, qui avaient conservé leur vieille organisation allemande ; mais le royaume de Pologne et certaines villes des provinces occidentales demeurent encore dénués de conseils municipaux.
  2. Kouptsy, méchtchane, tsekhovye.