Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/249

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âge. Toutes ces libertés avaient disparu à la longue, sous la domination tatare, sous l’unité moscovite, sous l’administration impériale[1]. Pierre le Grand, par un oukaze de 1718, avait tenté d’introduire dans les villes russes des chambres municipales, organisées sur le modèle des représentations élues de Riga et de Réval. Ces municipalités, appelées du nom allemand de « magistrats » (magistraty), étaient chargées de la police et de la perception des taxes en même temps que de l’administration intérieure de la ville. C’était, pour les « bourgeois » (grajdane) qui y étaient appelés, un service obligatoire dont les plus aisés aspiraient à s’affranchir. Supprimés, puis rétablis sous les successeurs de Pierre, ces « magistrats » étaient asservis aux caprices des voiévodes et des agents du pouvoir, lorsque, par sa célèbre charte de 1785[2], Catherine II donna aux villes de l’empire de nouvelles institutions municipales, en même temps qu’une organisation corporative.

D’après le statut de Catherine II, chacun des cinq ou six groupes entre lesquels était répartie la population urbaine, élisait séparément des représentants dont la réunion formait le conseil de la ville (gorodskaïa douma). C’était le mode d’élection séparée et de délibération en commun, adopté aujourd’hui pour les États provinciaux (zemstvos). Ces institutions municipales avaient été plus ou moins remaniées sous les prédécesseurs d’Alexandre II, sans perdre leur caractère fondamental[3]. Ce n’est qu’en 1870

  1. D’après l’historien Solovief (Istoriia Rossii, t. XIII, p. 99), à l’époque même où le citadin était attaché à son bourg, comme le paysan à la glèbe, les villes de l’ancienne Moscovie répartissaient encore elles-mêmes leurs impôts ; il était défendu au voiévode de disposer de leurs fonds ou de s’immiscer dans leurs élections.
  2. Cette charte (gramola), octroyée par l’impératrice « pour les droits et les avantages des villes » (na prava i vygody), a été, lors de son récent centenaire, l’objet d’une intéressante étude de l’historien Vladimir Guerrier (discours prononcé, en avril 1885, dans la douma de Moscou).
  3. En 1846, sous Nicolas, un statut, élaboré par N. Milutine, avait déjà réformé, dans un sens libéral, l’administration de Saint-Pétersbourg, et ce premier essai d’autonomie municipale avait provoqué les résistances du