Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/276

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veau gouverneur, que venaient saluer les nombreux fonctionnaires de l’ancienne capitale ; le maire crut plus digne du représentant de la vieille cité de ne pas se mêler en telle circonstance à la foule des tchinovniks, au milieu desquels il ne savait trop quel rang lui serait assigné. Pour ne prêter à aucune confusion, il se rendit à cette réception en simple habit noir. Le gouverneur se montra choqué d’une telle liberté, comme d’un sans-gêne inconvenant, et laissa si bien voir son mécontentement qu’à quelques jours de distance le magistrat municipal se démit de ses fonctions. À la suite de cet incident, une circulaire du ministre de l’Intérieur a déclaré le port de l’uniforme obligatoire pour tous les maires à toutes les réceptions officielles. Vers la même époque, le maire d’une autre des grandes villes de l’empire, celui de Perm, donnait également sa démission à la suite d’un désaccord avec les autorités locales. Un peu plus tard, lors du couronnement d’Alexandre III, le maire de Moscou, M. Tchitcherine, publiciste d’un haut mérite, quittait la mairie de la vieille capitale, pour avoir, dans un discours à ses collègues de province, exprimé un vœu discret en faveur de l’extension des libertés publiques. De pareils traits montrent que, pour être l’élu de ses administrés, le golova n’est pas toujours à l’abri du mauvais vouloir ou de la mauvaise humeur de l’administration. Dans ce cas, le gouverneur ou le ministre n’ont pas besoin de le suspendre ou de le révoquer, le golova se retire de lui-même[1].

L’autorité des gouverneurs de province s’étend jusque sur les décisions de la douma. Le statut de 1870 les charge de veiller à la légalité des actes ou des résolutions des municipalités. Le droit de veto suspensif dont il est armé

  1. Ici encore, il n’y a eu jusqu’ici d’exception que dans les provinces baltiques, où subsistent de vieilles traditions d’autonomie provinciale et municipale. C’est ainsi qu’en 1885 le gouvernement a dû révoquer les maires de Riga et de Réval, pour avoir refusé d’obtempérer à de récents oukazes sur l’emploi obligatoire de la langue russe dans leurs correspondances avec l’administration provinciale.