Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/283

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palités les plus riches de l’empire, sont tombées dans l’embarras ou la détresse en voulant rivaliser avec les villes d’Allemagne, de France, d’Italie, et elles aussi faire grand. Odessa, l’opulent emporium de la mer Noire, la métropole du sud, a eu durant des années un déficit annuel de 200 000 ou 300 000 roubles.

D’après les calculs officiels, le total des ressources des 680 villes de l’empire et des 116 villes du royaume de Pologne restait encore, vers 1885, inférieur à cinquante millions de roubles[1]. Chose à noter, le total des recettes ordinaires des villes russes égalait à peine le tiers des revenus de la ville de Paris. Rien peut-être ne montre mieux l’infériorité économique du vaste empire ; les 800 ou 900 millions du budget de l’État peuvent faire illusion ; il n’en est plus de même des humbles budgets municipaux[2].

La pauvreté des municipalités urbaines apparaît encore mieux si l’on analyse l’emploi de leurs maigres ressources. La police, les prisons, les dépenses militaires en prélevaient environ un tiers. Les écoles absorbaient 8 à 9 pour 100 de leur revenu, le service des pompiers 7 ou 8 pour 100, le pavage 5 pour 100, la bienfaisance un peu moins, l’éclairage 3 pour 100, le service sanitaire 1 pour 100. Les 680 villes de l’empire (la Pologne non comprise) ne dépensaient que 2 millions de roubles pour leur pavage et 1 200 000 roubles pour l’éclairage. Et qu’on n’oublie pas qu’une bonne part de ces sommes revenait aux deux capitales et aux grandes villes. Certain chef-lieu de province, Tchernigof par exemple, dépensait moins de 4000 roubles par an pour son pavage, moins de 2000 pour son éclairage. Une ville de 47 000 habitants, Krémentchoug, n’affectait au

  1. Suivant un compte rendu, publié en 1885 par le « département économique » du ministère de l’intérieur, les recettes réunies de toutes ces villes s’étaient élevées, pour 1881, à 44 223 000 roubles (dont 13 891 000 r. de recettes extraordinaires) ; tandis que leurs dépenses montaient à 53 823 000 roubles.
  2. Pour 1893, par exemple, les recettes ordinaires étaient évaluées à 961 millions de roubles ; les ressources extraordinaires à 79 millions de roubles, y compris 68 millions à se procurer par une opération de crédit.