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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/298

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tion intervenait plus largement encore dans le choix des magistrats que dans le choix des administrateurs, mais sans plus de succès dans une sphère que dans l’autre. Les juges ainsi nommés, pour la plupart choisis par la noblesse et pris dans son sein, étaient d’habitude de petits propriétaires besogneux, sans instruction juridique, sans compétence professionnelle. Ces fonctions, d’ordinaire peu considérées et mal rétribuées, n’attiraient à elles que des hommes de peu de considération et de peu de valeur. Avec la procédure secrète, il ne pouvait y avoir de sérieux contrôle des électeurs sur les élus. C’était en vain que les élections se répétaient à de courts intervalles, de trois ans en trois ans. La plupart des juges ou assesseurs élus n’avaient pas même le temps de se mettre au courant de leurs fonctions, ils ne faisaient qu’approuver les décisions et contresigner les arrêts des juges de profession ou des greffiers du tribunal. Toutes ces institutions de Catherine et de ses successeurs, si libérales en apparence, sont encore un exemple du peu d’efficacité pratique du régime électif, là où font défaut les mœurs et l’esprit public.

Pour neutraliser l’ignorance et la corruption des tribunaux inférieurs, le gouvernement avait imaginé de multiplier les instances et avec elles les formalités et les écritures. C’était là encore un système de freins et de contrepoids déjà employé dans l’administration ; il ne réussit pas mieux pour la magistrature que pour la bureaucratie. En multipliant les instances, on ne faisait qu’allonger la procédure et rendre la justice plus lente aussi bien que plus dispendieuse. Il y avait parfois jusqu’à cinq ou six instances successives, en quelques cas même davantage, et autant de tribunaux, autant de démarches à faire, autant de juges à se concilier, pour les parties ou l’accusé. À chaque tribunal, les plaideurs devaient acquitter un droit

    noblesse, et deux par les bourgeois des villes. Dans chaque chef-lieu de district ; il y avait un tribunal de première instance jugeant au criminel comme au civil, et dont les membres étaient nommés par la noblesse.