Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/323

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Après de tels faits, on comprendra que les tribunaux de volost soient l’objet de vives criliques et d’attaques passionnées. On les accuse de ne reconnaître, en fait de coutumes, d’autre droit que le pot-de-vin et la vodka. On leur reproche l’ignorance des juges et l’influence excessive de l’ancien ou du greffier, on les taxe tantôt de vénalité, tantôt de partialité. Il est clair, en effet, que de pareils tribunaux ne sauraient être exempts de tout blâme ; mais, pour un œil impartial, la plupart des défauts de ces juges de volost découlent des défauts mêmes du paysan, ils disparaîtront ou s’atténueront avec le progrès de l’instruction et des mœurs. Toutes ces imperfections n’enlèvent point à cette humble justice l’avanlage d’être la plus rapide, la moins chère et la mieux comprise du moujik. Si, parmi les propriétaires des campagnes ou les écrivains des villes, beaucoup en réclament la suppression, la plupart des paysans qui s’en plaignent en demandent eux-mêmes le maintien. Sur quatre cents témoignages recueillis par la commission d’enquête, soixante-dix seulement s’étaient prononcés pour l’abrogation de cette justice corporative. Il est bon, du reste, de remarquer qu’en plus d’un cas les paysans qui n’ont pas confiance dans l’intégrité ou dans les lumières des tribunaux de volost restent libres de se soustraire à leur juridiction. De même qu’ils peuvent d’un commun accord soumettre aux tribunaux de bailliage des affaires dévolues par la loi aux tribunaux ordinaires, les plaideurs sont maîtres de confier aux juges de paix des affaires qui rentrent dans la compétence des juges de volost. Un assez grand nombre de paysans usent de cette

    une des revues de Saint-Pétersbourg, le Messager de l’Europe (Vestnik Evropy) (juillet et sept. 1876). Les contradictions de ce genre, encore trop fréquentes en Russie, ne sont qu’une conséquence de la manie d’ostentation qui pousse tant de fonctionnaires ou de particuliers à se faire les promoteurs de réforoies d’apparat et parfois de pure apparence, pour s’en faire un titre aux yeux du gouvernement ou du public. C’est ainsi, par exemple, qu’un des principaux instigateurs de cette ligue de tempérance du gouvernement de Penza avouait avoir établi sur ses terres un grand nombre de cabarets.