Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/331

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de garanties juridiques. La procédure, près de ces cours ecclésiastiques, est si lente et relativement si dispendieuse, que le divorce n’a jamais été accessible qu’aux riches.

Dans un pays qui, pour les chrétiens orthodoxes du moins, ne connaît d’autre mariage que l’union bénie par le prêtre, il est malaisé d’exclure entièrement le clergé du règlement des causes matrimoniales. Le mariage, comme sacrement, ne saurait être cassé ou annulé que par l’autorité qui l’a consacré ; la loi civile ne saurait délier un nœud qu’elle n’a point noué. Aussi tout ce que pouvait se proposer le gouvernement, c’était d’enlever aux tribunaux ecclésiastiques non seulement l’instruction, mais la connaissance de ces causes scabreuses dont les détails domestiques et intimes sont d’ordinaire difficiles à aborder, dans des débats publics, devant un tribunal de prêtres ou de moines. D’après les dispositions du projet de la commission, l’Église ne fût intervenue dans ces procès qu’à leur début, pour essayer de les arrêter, et à leur conclusion, pour confirmer la sentence rendue par d’autres juges. Le clergé fût resté chargé d’exhorter à la concorde les époux aspirant au divorce ; mais c’eût été aux tribunaux civils d’apprécier la validité des motifs invoqués par les époux. L’autorité ecclésiastique aurait ainsi conservé le droit de prononcer le divorce ou la nullité du mariage ; mais elle l’eût fait désormais en se fondant sur le jugement des tribunaux ordinaires, elle n’eût eu qu’à accepter et à consacrer le verdict de juges laïques. De cette façon, on transférait le jugement des causes matrimoniales aux tribunaux civils, tout en laissant ostensiblement à l’Église la sentence sacramentelle qu’elle seule peut rendre. En fait, sous le couvert de ce partage d’attributions, on n’eût laissé au clergé que le droit d’enregistrer ou de contresigner les arrêts rendus en dehors de lui.

Une telle réforme était une diminution manifeste des droits de juridiction de l’Église : c’est là sans doute un des motifs pour lesquels l’exécution en a été ajournée. Mal-