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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/332

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gré la dépendance, malgré l’esprit de soumission du clergé orthodoxe, l’Église et l’épiscopat ont su jusqu’ici faire triompher leurs répugnances contre de tels projets. La réforme de la justice ecclésiastique a été mise à l’étude vers 1870 ; trois ans plus tard, en 1873, le saint synode était invité à examiner les conclusions de la commission nommée par le souverain, et, en 1886, sous Alexandre III, les principales dispositions de cette réforme n’avaient pas encore été mises à exécution. La Russie, il est vrai, a eu au dedans comme au dehors de quoi la distraire des tribunaux ecclésiastiques ; mais, sans les résistances ou les regrets du clergé, le gouvernement n’en eût pas moins trouvé le moyen d’appliquer une réforme longuement préparée.

C’est dans ce domaine religieux, dont à l’étranger on le croit maître absolu, que le gouvernement impérial se sent encore le moins libre, le moins omnipotent. Sur ce terrain, il ne peut, comme dans le domaine de l’État, tout abroger ou réformer à son gré, tout changer d’un coup ou tout créer à neuf, sans se préoccuper de ce qui existe. Devant l’Église, l’autorité impériale n’est plus en présence d’une table rase. Quelque influence qu’il possède sur le saint synode et le clergé, le pouvoir civil n’aime pas d’ordinaire à faire violence à leurs scrupules ou à brusquer leurs préjugés. Or l’Église russe, l’Église orientale, dont la force est dans la tradition et l’immobilité, redoute tout changement, toute altération même apparente à sa constitution et à ses usages. Cette répulsion pour les nouveautés croît naturellement quand ses privilèges sont en question, et l’on ne saurait dissimuler que dans la composition de ses tribunaux, comme dans leur procédure ou leur compétence, ce qu’on réclame de la justice ecclésiastique, c’est une rénovation plus conforme aux idées laïques de droit et de liberté qu’aux notions ecclésiastiques de soumission et d’autorité.

Voilà ce qui a retardé, ce qui retardera peut-être long-