Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/333

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temps encore, sous Alexandre III comme sous son père, l’exécution d’une réforme réclamée par le progrès des mœurs et l’esprit de la Russie moderne. Ce n’est pas là, du reste, la seule raison du maintien de la juridiction ecclésiastique ; une autre chose milite en sa faveur : les défauts mêmes de ses tribunaux et de sa procédure. En Russie, plus d’une institution est soutenue par les abus qui sembleraient devoir la détruire. À ces abus les familles influentes, les gens en place et la police trouvent leur compte. Les classes riches, qui seules aujourd’hui recourent au divorce, préfèrent voir leur mariage cassé sans débats publics, sans plaidoiries retentissantes ni gênantes enquêtes, par un tribunal discret et ennemi du bruit, près duquel la faveur et l’argent ont facilement accès et qui ne fait souvent que consacrer légalement de petits arrangements de famille. Les convenances mondaines concourent ainsi avec les préventions religieuses à la conservation de tribunaux d’ordinaire complaisants aux faiblesses humaines.

La réforme de cette commode justice paternelle n’est toutefois qu’une question de temps et de mesure. Si les tribunaux d’Église ne sont pas supprimés, ils devront se plier aux maximes et aux règles qui prévalent dans les cours laïques. La Russie ne peut plus tolérer de juridictions corporatives qu’à une condition, c’est qu’elles se conforment aux grands principes de droit et d’équité que le dix-neuvième siècle a fait pénétrer dans les tribunaux militaires, aussi bien que dans les tritmnaux civils.

Le gouvernement de l’empereur Alexandre II avait porté l’esprit de réforme jusque dans l’enceinte des conseils de guerre, dont les attentats nihilistes lui ont, depuis, fait étendre démesurément la juridiction. Dans la justice militaire on a introduit la publicité des débats ; on a restitué au prévenu quelques-uns des droits qui lui faisaient défaut, en même temps qu’on créait, pour les officiers, une académie de droit, spécialement destinée à doter l’armée