Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/345

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plus dignes de remplir ces fonctions de juges, les ont trouvées trop incertaines, trop dépourvues de garanties d’avenir, pour y vouloir consacrer leur temps et leurs forces. Un homme, libre de choisir, hésitera partout à briguer un mandat trop précaire pour tenir lieu de profession et en même temps trop absorbant pour permettre d’autres occupations. On a remarqué qu’un grand nombre de juges de paix n’acceptaient ces fonctions que comme un emploi provisoire, une sorte de pis aller, que plusieurs n’y voyaient qu’un marchepied pour monter à d’autres postes, que beaucoup cherchaient à s’insinuer de la magistrature élue et révocable dans la magistrature nommée par l’État et inamovible.

À ces défauts, qui dérivent du principe même de l’élection, on s’est ingénié à chercher des remèdes d’une efficacité parfois douteuse. Pour rendre les juges moins dépendants des électeurs influents et des coteries locales, on a proposé d’en confier la désignation à un corps électoral plus nombreux. Pour donner à ces fonctions plus de stabilité et mettre le magistrat à l’abri des fluctuations de l’opinion, on a parlé de prolonger la durée de son mandat. De pareilles mesures ne redresseraient les défauts actuels qu’en en introduisant de nouveaux. Enlever la nomination des juges de paix aux assemblées de district, ne serait-ce pas renoncer à l’une des garanties de la loi, à l’un des correctifs du principe de l’élection ? Prolonger la durée des fonctions du juge, la porter, par exemple, de trois ans à six ans, ou la rendre illimitée, comme l’ont proposé quelques publicistes, ne serait-ce point, sous prétexte de mettre les juges à couvert des caprices de l’opinion, laisser le public à la merci de la négligence ou de l’incapacité des juges ?

Si la Russie ne peut se soustraire à tous les inconvénients du système électif, nous devons reconnaître qu’elle en souffre bien moins que ne le feraient les grands États de l’Occident, et cela toujours pour la même raison, parce