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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/369

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parlements, perpétués par la vénalité des charges, l’esprit de corps deviendrait excessif, la routine dangereuse, les prétentions abusives. Dans la plupart des tribunaux de province, les relations de famille ou de voisinage ont plus de part aux choix que le mérite des candidats. Pour parer à ces défauts il y aurait, il est vrai, un moyen fort simple ; ce serait d’imiter la Belgique, de faire nommer les magistrats sur deux listes, présentées l’une par les compagnies judiciaires, l’autre par les assemblées électives, par les zemstvos par exemple. En combinant de cette façon le droit de présentation des magistrats avec la désignation des représentants élus de la société, on pourrait avoir les avantages des deux systèmes sans leurs inconvénients.

L’indépendance du juge vis-à-vis du pouvoir, comme vis-à-vis des partis, est chose si essentielle que, pour l’assurer, les États ne sauraient trop prendre de précautions. De tous les procédés mis en usage pour cela, le plus simple semble encore l’inamovibilité. C’est celui qui concilie le mieux le besoin de stabilité du magistrat avec le besoin de rénovation de la magistrature, et la liberté des jugements avec l’intérêt du juge. Les rédacteurs des règlements de 1864 ont compris que cette garantie n’était pas moins nécessaire sous un gouvernement absolu que sous le gouvernement changeant des majorités parlementaires. La loi pose en principe qu’un juge ne peut être révoqué sans avoir été convaincu d’un délit ou crime.

Cette inamovibilité, chez nous si imprudemment attaquée par certain parti, est loin de dépouiller le gouvernement de tout moyen d’influence vis-à-vis de la magistrature. Le juge est inamovible, mais l’inamovibilité ne s’étend qu’au grade, non à la résidence. Le gouvernement n’est pas seulement maître de l’avancement des magistrats ; s’il ne peut les révoquer, il peut les déplacer sans consulter personne. L’inamovibilité, consacrée par la loi, se trouve indirectement atteinte par cette voie oblique des déplacements non consentis. Or, dans un empire tel que la Russie, contenant